Le principe jurisprudentiel réaffirmé par la Cour de cassation

La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 février 2025, vient de réaffirmer un principe essentiel en matière de copropriété : en cas d’annulation de la décision d’assemblée générale ayant désigné un syndic, les honoraires perçus par celui-ci doivent être intégralement restitués au syndicat des copropriétaires. Cette position jurisprudentielle constante s’inscrit dans le cadre juridique strict régissant les rapports contractuels en droit de la copropriété.

 

La nature juridique de l’annulation

L’annulation d’une décision d’assemblée générale de copropriétaires produit un effet rétroactif absolu. Cette rétroactivité implique que la décision est réputée n’avoir jamais existé juridiquement. Par conséquent, le contrat de syndic, qui trouve son fondement dans cette décision annulée, se trouve privé de toute base légale. Cette situation juridique particulière entraîne nécessairement l’annulation du mandat de syndic et l’obligation de restitution des sommes perçues.

 

L’application du principe de restitution

Le principe de restitution intégrale découle directement de la théorie des nullités en droit civil. Conformément aux articles 1352 et suivants du Code civil, toute nullité entraîne l’obligation de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion de l’acte annulé. Cette règle s’applique sans distinction selon la nature de la nullité, qu’elle soit absolue ou relative.

 

Les circonstances n’empêchant pas la restitution

Cette solution jurisprudentielle constante s’applique nonobstant plusieurs circonstances qui pourraient, à première vue, justifier le maintien des honoraires :

L’exécution effective des prestations par le syndic

L’accomplissement matériel des missions de syndic ne constitue pas un obstacle à la restitution. Le fait que le syndic ait effectivement géré l’immeuble, organisé les assemblées générales, ou supervisé les travaux ne confère aucun droit au maintien des honoraires contractuels. Cette position s’explique par le caractère purement contractuel de la rémunération du syndic, qui disparaît avec l’annulation de sa désignation.

Les renouvellements ultérieurs du mandat

Les éventuels renouvellements du mandat de syndic postérieurs à la décision annulée ne régularisent pas rétroactivement la situation juridique initiale. Chaque renouvellement doit être analysé de manière autonome. Si le renouvellement intervient dans des conditions régulières, il ne peut couvrir la période antérieure entachée de nullité.

L’approbation des comptes et quitus donnés par l’assemblée générale

L’approbation des comptes annuels et l’octroi du quitus par l’assemblée générale ne constituent pas une validation de la désignation initiale du syndic. Ces actes, bien que traduisant une forme d’acceptation de la gestion, ne peuvent purger le vice originel affectant la nomination. Le quitus ne vaut que décharge pour la gestion accomplie et non régularisation de l’irrégularité constitutive.

La connaissance par le syndicat du caractère indu du paiement

La connaissance par le syndicat des copropriétaires du caractère indu des paiements effectués au syndic ne fait pas obstacle à la restitution. Cette solution s’inscrit dans une logique de protection de l’ordre public et de respect de la légalité des décisions collectives en copropriété.

 

Le recours à la gestion d’affaires

Cela ne signifie pas que le syndic n’a pas droit à une indemnisation au titre des services rendus. Il peut en effet solliciter une indemnisation de ses diligences au titre de la gestion d’affaires, conformément aux articles 1301 à 1303 du Code civil.

La gestion d’affaires se caractérise par l’accomplissement d’actes juridiques ou matériels dans l’intérêt d’autrui, sans mandat et sans obligation légale. Pour que cette qualification s’applique, il convient de vérifier que le syndic a agi dans l’intérêt du syndicat, de manière utile et opportune. L’indemnisation couvre alors les dépenses nécessaires et utiles engagées par le gérant d’affaires.

 

L’action en enrichissement sans cause

Le syndic peut également fonder sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’enrichissement sans cause. Cette action, subsidiaire par nature, suppose la réunion de quatre conditions cumulatives : un enrichissement du syndicat, un appauvrissement corrélatif du syndic, l’absence de cause justifiant ce transfert de valeur, et l’absence d’autre action possible.

L’enrichissement du syndicat résulte des services effectivement rendus et de la valeur ajoutée par la gestion du syndic. L’appauvrissement du syndic correspond aux coûts engagés et au temps consacré à la gestion de l’immeuble. L’absence de cause découle précisément de l’annulation de la décision de nomination.

 

La sécurisation des procédures de désignation

Cette jurisprudence souligne l’importance cruciale du respect scrupuleux des procédures de convocation et de délibération des assemblées générales de copropriétaires. Les syndics et les conseils syndicaux doivent veiller à la parfaite régularité des opérations de vote, au respect des majorités requises et à la conformité des délibérations aux dispositions légales et réglementaires.

 

La gestion des risques financiers

Les syndics doivent intégrer ce risque jurisprudentiel dans leur gestion financière et prévoir, le cas échéant, des mécanismes de provisionnement ou d’assurance adaptés. La constitution de provisions pour risques peut s’avérer prudente, particulièrement lorsque des contestations sont en cours concernant la validité de leur désignation.

 

La surveillance de la validité des décisions

Il appartient aux professionnels de l’immobilier et aux conseils juridiques d’exercer une vigilance constante sur la validité des décisions d’assemblée générale. Cette surveillance doit s’exercer tant au moment de la prise de décision qu’ultérieurement, notamment en cas de changement de la réglementation ou d’évolution jurisprudentielle.

 

Conclusion

L’arrêt du 27 février 2025 de la Cour de cassation confirme la rigueur du droit français en matière de nullités contractuelles appliquées au droit de la copropriété. Cette position jurisprudentielle, bien qu’apparemment sévère pour les syndics, garantit la sécurité juridique et le respect de la légalité dans les rapports entre syndicats de copropriétaires et leurs mandataires. Elle incite également à une plus grande vigilance dans l’accomplissement des formalités légales et réglementaires gouvernant la vie des copropriétés.

Maître Maxime Thiraux se tient à vos côtés pour vous accompagner dans l’appréhension de l’ensemble des problématiques consécutives aux contestations de décisions d’assemblées générales de copropriétaires et aux annulations de mandats de syndic, ainsi que pour protéger vos intérêts et faire valoir vos droits dans le cadre des actions en restitution d’honoraires et des demandes d’indemnisation alternatives.

Page référente : Avocat droit immobilier Marseille

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